C’est une question que beaucoup de patients se posent. Tout d’abord la kinésithérapie est remboursée par l’assurance maladie et en complément par la mutuelle, à l’inverse l’ostéopathie n’est remboursée, de plus en plus souvent, que par les complémentaires santé. Alors pourquoi cette différence de traitement par le système de protection sociale ?
Le kinésithérapeute traite localement une région du corps comportant souvent une lésion anatomique “vraie” (entorse, tendinite…) alors que l’ostéopathe va essayer de traiter cette même région en l’intégrant dans le reste du corps. Il peut tout à fait traiter cette lésion “vraie”, cependant certains traitements sont longs car le réapprentissage par le patient du mouvement correct non douloureux est fastidieux, et un renforcement musculaire précis ou de la mobilisation répétée plusieurs fois par semaine sont nécessaires. Dans le cas d’une prise en charge postopératoire par exemple, le kinésithérapeute par ces mobilisations étirements, son massage, ses soins de physiothérapies et ses exercices actifs guidés progressivement plus dynamiques, va permettre au patient de retrouver une autonomie optimale au quotidien, au travail puis dans le sport. Cependant durant cette période de rééducation plurihebdomadaire peut s’installer des compensations à l’origine par exemple d’un lumbago ou de douleurs de l’autre membre provoqués éventuellement par une boiterie en voie de rémission. C’est après cette phase que la vision holistique et globaliste de l’ostéopathe prend sens. C’est pour cette raison que la consultation d’ostéopathie commence systématiquement par un interrogatoire.
Les outils thérapeutiques en kinésithérapie et en ostéopathie, hormis l’usage de la physiothérapie (ultrasons, courants électriques, ondes de chocs…) réservé aux seuls médecins ou kinésithérapeutes, sont sensiblement les mêmes : mobilisations, étirements, massage… (les exercices actifs sont plus longs à répéter et à intégrer par le patient et donc plus adaptés à la séance de kinésithérapie). Derrière ces trois mots simples se cache une infinité de techniques et concepts qu’il faut plusieurs années pour apprendre à maitriser. Le kinésithérapeute se doit d’utiliser uniquement des techniques validées peu ou prou par la science. Il doit suivre les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé afin de soigner son patient. Un lien avec la prise en charge par la sécurité sociale peut être fait dans cet engagement. L’ostéopathe n’a pas cette contrainte. Alors ses outils sont-ils moins efficaces pour autant ?
D’après la science oui ! Le traitement ostéopathique viscéral, l’ostéopathie du crâne et même la plupart des concepts de globalité du corps basés sur des liens anatomiques, ne sont pas validés par la recherche. Il faut dire que les méthodes statistiques actuelles s’adaptent parfaitement à l’évaluation des médicaments, mais beaucoup moins aux thérapies manuelles. Alors oui, les concepts ostéopathiques ont souvent des bases empiriques, mais ils s’appuient toujours sur une connaissance précise de l’anatomie et de la physiologie. La recherche en biomécanique bien qu’active, mettra du temps à valider ou pas les outils thérapeutiques, alors même que parfois l’anatomie n’est que partiellement connue : le premier “Atlas fonctionnel du système fascial humain” élaboré grâce au travail de la Professeure en chirurgie orthopédique Carla Stecco, date de 2020 ! Les fascias sont l’exemple parfait car ils ont une place privilégiée dans le corps en tant que liens d’une région anatomique à une autre.
L’évaluation de perte de mobilité des tissus (musculaire, ligamentaire, fascia…) ou des articulations, propre aux deux professions, constitue des indices précieux afin de permettre à l’ostéopathe d’échafauder une hypothèse quant à la/aux causes de la douleur, même si celle-ci se trouve à distance de la source de la douleur que constitue souvent la lésion anatomique “vraie” chère au kinésithérapeute. Ces dysfonctions ostéopathiques peuvent être objectivées par des pertes d’amplitudes articulaires spécifiques et aussi grâce aux tensions relevant de la sensibilité fine. Ces tensions internes sont par définition subjectives, c’est pour cela que l’ostéopathe utilise ses connaissances anatomiques et physiologique mais il fait aussi confiance à ses mains pour comprendre l’histoire de son patient et le soigner.
Le kinésithérapeute, en plus d’un traitement purement curatif, incite le patient à faire des auto-exercices afin de prévenir une récidive de blessure (par exemple, l’assurance maladie prévoit une prise en charge kinésithérapique avant la saison de ski). De part sa façon singulière d’appréhender le patient dans sa globalité, l’ostéopathie permet de traiter certaines problématiques anciennes ou qui ne trouvent pas de réponse dans la médecine ou des thérapies classiques (les champs d’applications de l’ostéopathie sont nombreux), mais également par essence la prévention préoccupe ce thérapeute. Toute personne ne présente pas de lésion anatomique “vraie”, en revanche toute personne présente des dysfonctions ostéopathiques qui découlent de chocs physiques ou émotionnels plus ou moins importants, d’une activité répétitive ou au contraire de contraintes posturales statiques ou dynamiques… C’est pour cette raison que certains patients consultent leur ostéopathe pour un bilan afin de ne pas laisser s’installer des blocages, tensions ou contraintes qui pourraient à terme déclencher des douleurs et/ou de “vraies” lésions.
En conclusion, comme toujours en médecine la solution au problème de santé du patient ne tient pas uniquement à un traitement ou à un seul professionnel. Comment rééduquer un patient sans antalgique lui permettant de réapprendre à bouger sans douleur ? Quelle est la pérennité d’un traitement ostéopathique visant une correction de posture sans bilan podologique ou semelle ? Toutes les différences entre ostéopathie et kinésithérapie, les outils diagnostiques ou thérapeutiques ainsi que leur validation par la science, la considération loco-régionale ou globale du patient, l’indication de la prise en charge et sa fréquence, et donc une variété importante des champs d’applications, font que ces deux professions sont tout à fait complémentaires afin d’aider le patient à retrouver un état de santé, définit par l’Organisation mondiale de la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.